Alors que les enfants commencent généralement à parler vers 2 ans et acquièrent progressivement vocabulaire et aisance, certains mettent plus de temps. Les raisons sont multiples mais ne manquent pas d’inquiéter parfois les parents. Simonne Artman, orthophoniste à Paris nous aide à comprendre pourquoi certains enfants ne parlent pas encore à 3 ans et comment les accompagner dans cet apprentissage de la parole.
Qu’entend-t-on par « Parler »
Simonne Artman, orthophoniste : « Lorsque les parents d’un enfant s’inquiètent du fait qu’il ne parle pas, je commence toujours par les interroger : l’enfant ne dit-il aucun mot ou quelques uns seulement (maman, papa, non, tétine doudou…). Je vérifie s’il cherche à se faire comprendre, en pointant du doigt ce qu’il veut par exemple. Parler c’est utiliser les mots pour se faire comprendre. On attend des phrases mais l’enfant procède d’abord par associations de mots et les phrases se complexifient avec l’âge. Parfois l’attente des parents est en décalage avec les capacités de l’enfant. Il ne faut pas comparer les enfants entre eux, ni dans la fratrie, ni avec les amis. Chacun va à son rythme. »
Identifier quelles sont les difficultés de l’enfant
Simonne Artman, orthophoniste : « Le retard d’apparition du langage, s’il est identifié comme tel, peut avoir des causes diverses et multiples :
- Un problème auditif ?
D’abord il faut consulter un médecin qui vérifiera l’audition de l’enfant. Une otite séreuse qui n’est pas douloureuse, ou un bouchon peut empêcher l’enfant de bien entendre et donc de bien parler.
- Un problème d’identification des mots ?
Ensuite on vérifie que l’enfant comprend les mots prononcés et non le contexte : les gestes, les intonations et les situations. Pour cela on fait des demandes incongrues à l’enfant. Par exemple on joue avec lui et on lui demande « donne-moi la voiture » en regardant un cube. Ou « donne-moi la balle » en regardant un livre puis « donne-moi ta chaussette » en regardant un nounours. S’il parait étonné et désigne sa chaussette avec un air interrogatif ou en riant alors c’est qu’il comprend les mots. Attention ne vous fiez pas à vos impressions, il faut vraiment vérifier la compréhension des mots parce que l’interaction parent-enfant établie depuis la naissance de l’enfant lui permet souvent de pressentir ce que son parent attend de lui, avant de le comprendre. Il faut ensuite vérifier si l’enfant reproduit la mélodie du langage, s’il tient de longues conversations avec une véritable intonation même sans mots. C’est ce qu’on appelle « La prosodie ». Elle montre que l’enfant sait qu’en parlant on ne fait pas seulement un bruit mais qu’on exprime diverses intentions.
- Un problème relationnel ?
Et puis on interroge les parents pour savoir si l’enfant recherche le contact avec les autres enfants ou bien s’il préfère jouer tout seul. Lorsqu’il rencontre des gens qu’il ne connait pas se cache-t-il derrière ses parents ou est-il curieux d’un contact ? La timidité peut limiter la prise de parole.
S’il cherche le contact avec les autres, qu’il n’y a pas de problème oto-rhino, qu’il comprend les mots et reproduit l’intonation du langage, essayez de le faire parler.
Comment le faire parler ?
Simonne Artman, orthophoniste : « Il existe plusieurs façons d’accompagner un enfant dans l’apprentissage du langage.
- Lui parler beaucoup et souvent, c’est la règle d’or !
- Lui faire décrire les images d’un livre : « Regarde, tu vois là, c’est quoi ? Un oiseau… (on attend 3 secondes), non c’est une (on attend 3 secondes) vache... et ainsi de suite. On n’attend pas trop longtemps pour ne pas faire une pression mais suffisamment pour que l’enfant ait envie de vous répondre.
- Verbaliser ses demandes : Lorsqu’il désigne ce qu’il veut dire « Tu veux le camion ? Tiens je te donne le camion ».
- Répéter correctement sa phrase s’il vous parle et que vous comprenez. Répétez lentement mais à un rythme de conversation. Ne lui demandez pas de répéter, il intègrera la correction de lui-même.
- Suggérez-lui des hypothèses si vous ne comprenez pas ce qu’il dit. S’il n’y adhère pas et s’énerve, dites-lui montre moi et verbalisez. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre si vous avez compris ! S’il fait un effort pour dire quelque chose et que vous avez compris félicitez-le mais ne félicitez pas chaque mot. Parler est de l’ordre du courant et non de l’exceptionnel.
Dans tous les cas, si votre enfant de trois ans ou plus ne parle pas n’hésitez pas à procéder à un bilan orthophonique. Il est pris en charge par l’Assurance maladie et les mutuelles et permet de lever bien des angoisses.
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