Il hurle dès qu’il aperçoit une fourmi. Elle fuit quand paraît l’antenne d’un escargot... Mais pourquoi nos enfants ont-ils si peur des petites bêtes ? On a posé la question à Emilie Lagoeyte, éducatrice nature et ancienne professeure des écoles. Emilie accompagne désormais les parents dans leur démarche d’éveiller leurs enfants à la nature.
Pourquoi les enfants ont-ils parfois si peur des petites bêtes ?
Émilie Lagoeyte : « La peur est associée à un processus normal de maturation. Le monde animal et végétal est complexe et cela prend du temps pour tous, enfant et adulte d’y construire ses propres repères. Il faut apprendre à reconnaître ce qui peut, ou non, représenter un danger. Il est très naturel et sain qu’un enfant ait peur. Charge aux adultes de l’accompagner pour lui montrer comment réagir.
« Il faut être humble face aux peurs, et accepter qu’on ne maîtrise pas toujours des réactions très primitives. »
Est-ce que l'environnement de l'enfant favorise la peur ? Un enfant des villes a-t-il plus peur qu'un enfant des champs ?
Émilie Lagoeyte : « À mon sens ce n’est pas tant le lieu où l’enfant vit, que les gens qui l’entourent qui influencent ces peurs. Les expériences vécues ou racontées, les images et surtout les attitudes ont une incidence sur les peurs. Vos réaction corporelles, mais aussi ce que les copains racontent, cela joue beaucoup.
Un enfant des villes qui a eu des expériences positives avec la nature, qui va au parc régulièrement, qui jardine sur son balcon n’aura pas plus peur qu’un enfant des champs. »
Est-ce que l'âge de l'enfant entre en jeu ? Y-a-t-il des âges auxquels on a plus peur ?
Émilie Lagoeyte : « Il peut alors montrer un intérêt sans limite et devenir un véritable spécialiste de l’objet de son intérêt. Les vers de terre par exemple, il saura tout de leur mode de vie, de leur intérêt pour le jardin etc… La petite enfance, de 0 à 5 ans, est très propice à ces premières découvertes et j’ai remarqué que les enfants qui ont eu ces phases sensibles petits mettent moins de temps que les autres à désamorcer leurs peurs plus tard. Pour autant, ce n’est pas l’âge de l’enfant qui favorise la peur, mais les expériences et parfois elles ancrent des peurs pour très longtemps, il faut savoir les aborder avec bienveillance. »
« Il y a des périodes où l’enfant est plus sensible à se rapprocher de la nature. »
Est-ce qu'il est possible de raisonner cette peur avec des mots ?
Émilie Lagoeyte : « Il est important de mettre des mots, de ne pas minimiser les émotions de l’enfant en niant la véracité de la peur ou en la dénigrant. Les mots et les livres peuvent beaucoup aider. Il est intéressant de proposer à l’enfant d’aller vérifier dans un livre si sa peur est fondée ou non. Cet insecte qui fait peur est-il dangereux ? Menez l’enquête ensemble avec les outils dont vous disposez : un livre à la bibliothèque, un article sur internet…il s’agit d’aider l’enfant à construire une réponse. Et c’est une bonne occasion pour nous, adultes, d’en apprendre plus.
Après ces recherches cependant, il ne faut pas s’attendre à ce que la peur de l’enfant disparaisse instantanément. Il faut laisser le temps à l’enfant de « digérer » sa peur.
La question du temps est importante. Et d’ailleurs, l’enjeu est-il clair pour vous ? Vous souhaitez accompagner votre enfant dans son processus de maturation, mais peut-être au fond de vous-même seriez-vous fier si votre enfant faisait preuve de courage dans la nature ? Si tel est le cas, attention à ne pas générer chez l’enfant la peur de vous décevoir : de la peur d’une petite bête, on glisse alors vers une peur autrement plus complexe et contrariante… »
Avez-vous des astuces concrètes pour aider les enfants à apprivoiser cette peur des petites bêtes ?
Émilie Lagoeyte : « La première astuce consiste à vous interroger sur vos propres peurs et garder à l’esprit qu’on est toujours un modèle pour nos enfants. Peut-être pourriez-vous mettre à l’écrit vos peurs et enquêter dessus. Rassuré(e), vous serez sans doute moins trahi par votre langage corporel.
La deuxième astuce est d’éduquer au risque. On ne peut pas nier qu’il existe. On peut être piqué par une guêpe, on peut manger une baie toxique… Montrer les risques c’est aussi montrer qu’il n’y en a pas tant que ça et qu’il existe des façons de les maîtriser.
La troisième astuce est de cultiver de la sympathie pour les petites bêtes. Raconter leur histoire, mettre en scène leur journée après s’être documenté. On peut aussi faire un petit élevage temporaire de 2 ou 3 jours pour observer et essayer de les comprendre. »
Plus d’idées pour comprendre la relation de vos enfants à la nature sur le site d’Emilie : Éveil et Nature.
Vous y trouverez des activités clé en main comme le désormais célèbre Empreintoscope ! Ainsi que des formations en ligne, telle que la formation « Passeur de Nature ».
Partager ce dossier