Comment stimuler la curiosité de nos enfants ? Dans ce 14e épisode du podcast Jambon Coquillettes, la pédagogue Tatiana de Gorlof explique comment faire pour qu'elle ne disparaisse pas avec le temps, et pourquoi elle est primordiale pour l'avenir de nos enfants...
Écoutez l'article en version podcast !
Et abonnez-vous ici depuis votre smartphone pour découvrir les autres épisodes de Jambon Coquillettes.
LIENS
BUBBLEmag
Partager ce dossier
LIRE L'INTERVIEW
Anne-Laure Troublé : Bienvenue sur Jambon Coquillettes, un podcast Bubble Mag.
S'il y a une chose qui me désole en ce moment, c'est d'entendre mon ado répondre à la moindre de mes propositions par ce mot que j'ai en horreur : « flemme ». Mais où est passé mon petit curieux, prêt à toutes les aventures, et qui répétait « Pourquoi ? » à longueur de journée ? Qui l'a remplacé par cet ado blasé, scotché à son lit et son téléphone ? À quel moment ai-je raté le coche ? Qu'aurais-je dû faire pour entretenir sa curiosité ? Pour répondre à ces questions, et vous éviter le même écueil, j'ai interrogé Tatiana de Gorlof, maman d'un jeune garçon et fondatrice du site Brainy-club. Après des études pour être professeur trilingue, Tatiana a travaillé dans le secteur bancaire avant de retourner à ses amours de jeunesse, et de se former à deux métiers complémentaires : la TRIZ pédagogie, une méthode pour stimuler la curiosité et la créativité, basée sur l'analyse de plus de 40 000 brevets d'invention ; et l’orthopédagogie, pour aider les enfants à mieux apprendre. Elle propose aujourd'hui des ateliers en ligne pour enfants et adolescents sur la curiosité et la créativité notamment, mais également des formations, à destination des parents, sur l'attention.
Bonjour Tatiana.
Tatiana de Gorlof : Bonjour ! Bonjour Anne-Laure.
A.-L T. : Alors on va commencer par une question très simple : qu'est-ce que la curiosité ?
T. de G. : La curiosité, tout d'abord, ça vient du latin, et cela veut dire « soin à chercher » : chercher à découvrir, chercher à savoir plus, chercher de nouvelles expériences. C'est chercher à s'émerveiller de rien et s'intéresser à tout. Pour moi, la curiosité, c'est ça.
A.-L T : Et à partir de quel âge apparaît-elle, chez l'être humain ?
T. de G. : Moi, je dirais que c'est notre cadeau de naissance. Si on peut dire, c'est quelque chose d'inné. C'est quelque chose qui… Les tout petits bébés, ça leur permet de grandir et d’apprendre tous les jours énormément de choses. On le voit vraiment apparaître quand l'enfant commence à interagir avec les autres. Quand il commence à marcher, quand il commence à toucher à tout – même avant de marcher –, à toucher à tout, à goûter, à tout. C'est cette curiosité naturelle que la nature nous a offerte qui nous aide à se développer et à apprendre plein de choses, surtout au début de notre vie, d'une manière extraordinaire.
A.-L T : Et à quoi sert-elle, cette curiosité, alors ? Elle est nécessaire à l'être humain ?
T. de G. : Pour moi, elle est indispensable. Pour moi, d'abord, elle est liée étroitement à la créativité. Et moi, la créativité, c'est le sujet que j'adore, et c'est le sujet autour duquel je travaille beaucoup avec les enfants. La créativité, c'est ça qui fera la différence, pour moi, pour nos enfants, à l'avenir, et même au quotidien. La créativité, c'est la capacité de trouver de nouvelles idées, et la capacité de trouver plein de solutions à un problème donné dans une situation donnée. Et, parmi ces « plein de solutions », trouver la meilleure, qui est la plus adaptée. La créativité, c’est ça. Et sans curiosité, ce n'est pas possible. C'est la première chose. Ensuite, la curiosité, c'est aussi le moteur des apprentissages : quand on est curieux, on a envie d'apprendre. Quand on a appris quelque chose par curiosité, cette information, nous la gardons plus longtemps dans notre tête. La curiosité aussi, pour moi, c'est l'ouverture d'esprit. L'ouverture au monde, l’ouverture aux autres… aux avis des autres. Et puis plein d'autres choses. L'optimisme : quelqu'un qui est curieux, pour moi, c'est quelqu'un qui est joyeux, qui est toujours en train de chercher des choses, de nouvelles choses, de nouvelles expériences. L’optimisme, c'est super important, je pense, dans notre quotidien, et pas que pour les adultes : pour les enfants aussi.
A.-L. T. : Souvent, on voit en effet des enfants petits, très curieux, qui touchent à tout, qui pose mille questions – l'âge des « Pourquoi ? » … Comment on explique que, cette curiosité, petit à petit, avec le temps, disparaît ou en tout cas s'amenuise énormément ?
T.de G. : Je pense que c'est la routine, un peu, qui prend sa place, de plus en plus. Si vous voulez, les tout petits bébés, leur travail principal, c'est d'apprendre, d'être curieux, d'aller chercher de nouvelles choses, d'expérimenter de nouvelles choses. Et après, au fur et à mesure que nos enfants grandissent, nous les mettons un peu plus dans le cadre. Ils commencent à aller à l'école, et puis il y a les devoirs, et puis on les inscrit à des sports différents, aux clubs, et ainsi de suite. Donc au fur et à mesure, de plus en plus, ils ont plein d'autres choses à faire, plein de choses à penser. Ils commencent à avoir des responsabilités. Et puis, physiquement – enfin, naturellement –, ça laisse de moins en moins de temps à juste se poser et à ouvrir les yeux et s'intéresser à autre chose. Et puis nous, les adultes, pareil. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais on rentre dans la routine et dans nos habitudes. Notre cerveau prend des raccourcis, habituels. Et puis notre vie, la vitesse de notre vie, le rythme, ça ne donne pas tellement le temps de se poser, et puis ouvrir les yeux, regarder le monde avec les yeux ouverts.
A.-L. T. : Mais alors comment on peut faire pour, justement, la maintenir chez les enfants le plus longtemps possible, pour la stimuler ? Qu'est-ce que vous pouvez conseiller aux parents ?
T. de G. : Il y a beaucoup de choses à dire. Il faut… D'abord, pour moi, c'est la première chose à laquelle nous devons penser, comme les parents, ce qui n'est pas forcément évident au quotidien, mais c'est la réaction avec laquelle nous recevons les questions des enfants. Si vous vous souvenez de cet âge, un peu, l'âge du « Pourquoi ? », peut-être que ça nous est arrivé, en étant fatigués, en étant pleins de nos propres pensées dans notre tête, à dire à notre enfant :« Mais arrête tes questions ! C'est quoi cette question bête ? » Et ainsi de suite. Ce sont des premières réactions qui mettent déjà des graines de doute dans la tête de nos enfants, que peut-être les questions, ce n'est pas bien. Et pourtant, les questions, c'est la base de la curiosité. Et maintenir cette envie de poser des questions, c'est primordial. Donc il n'y a pas de question bête. Et après, féliciter l'enfant pour sa question. Ça, c'est important, je trouve.
Même si c'est une petite question d'enfant, même s’il a remarqué quelque chose et vous a posé la question parce qu'il a envie de savoir, soulignez : « C'est merveilleux, cette question que tu poses ! Vraiment, tu es fort de l'avoir vu, parce que moi, je ne l'ai pas remarqué. » Et puis… Ne pas donner la réponse tout de suite. S'il est curieux, peut-être qu’il va surfer un peu sur cette curiosité pour lui-même découvrir la réponse à sa question. On peut se dire que « curiosité », c'est quelque chose qui ne rime pas très bien avec le mot « exercice ». Et pourtant, pour moi, si. Parce que, comme notre corps a besoin d'exercice physique pour rester en forme, si nous voulons que notre cerveau reste éveillé et reste curieux, il lui faut des exercices, parfois. Parce que, comme on a dit, par cette habituation de cerveau, nous la perdons, au fil du temps – ce qui est normal. On peut se demander, on peut prendre un objet et réfléchir à ce que nous ignorons de cet objet.
Ça paraît assez difficile, au tout début, pour les enfants, parce qu'ils n'ont pas l'habitude de ces questions. D'habitude, les questions qu'on nous pose à l'école, et que d'habitude les parents nous posent : « Qu'est-ce que tu connais, qu'est-ce que tu sais ? ». Par exemple, la dernière fois, on réfléchissait avec mon fils par rapport à une carotte. On était en train de préparer à manger, j’épluchais une carotte, et puis on s'est dit : « Tiens, la carotte, on a l'impression de la connaître parfaitement. Mais qu'est-ce que nous ne connaissons pas ? » Et puis on s'est amusés à chercher des questions : en effet, on ne sait pas grâce à quoi elle est orange. Et pourquoi on dit que ce sont les lapins, qui aiment les carottes ? Il y a plein d'autres animaux, qui aiment les carottes, et pourquoi, à chaque fois, on nous dit « La carotte, c'est très, très lié au lapin », par exemple ?
A.-L. T. : Mais du coup, là, l'idée c'est juste de se poser des questions et d'élargir son champ d'interrogations ? Ou c’est aussi de trouver les réponses ?
T. de G. : Les réponses, ça vient après. Pour l'instant, c'est vraiment uniquement de se poser des questions. De se poser, de se poser des questions, et de savoir qu'il y a même des choses que nous côtoyons au quotidien, des choses qui nous paraissent vraiment… qu'on connaît.
A.-L. T. : Évidentes ?
T. de G. : Oui, évidentes. Il y a énormément de choses qu'on ne connaît pas. Et après, forcément, il y a souvent… Quand on se pose une question par rapport à quelque chose, on a envie d'aller creuser derrière.
A.-L. T. : On a abordé la curiosité verbale. Il y a aussi toute une curiosité expérientielle, expérimentale, de l'enfant qui va essayer, qui va toucher, qui va mélanger, qui va transférer… Et ça aussi, c'est une forme de curiosité, non ?
T. de G. : Complètement. Toutes les expériences, que ce soit par questionnement, ou en mélangeant des choses, en touchant à tout, en essayant le goût… Donc tout ça, pour moi, c'est exactement la même chose. Ça va ensemble.
A.-L. T. : Parce que souvent, en tant que parents, on peut se dire : « Arrête de toucher à ça, c’est sale, ; tu fais des bêtises ; tu vas en mettre partout… » Est-ce que ça aussi ce n’est pas, justement, fermer la curiosité de l'enfant, en réagissant comme ça ?
T. de G. : Complètement. Ça va ensemble avec : « Arrête tes questions ; c'est une question bête. ». Ça va dans les mêmes tasses, ces réflexions ! « Ne touche pas », c’est notre réaction normale de parents. Nous savons qu'après, il peut se mettre en danger, il faudra nettoyer, et ainsi de suite. Mais, en effet, il faut laisser l'enfant, tout en préservant sa sécurité, expérimenter. Expérimenter, je n’en sais rien, l'escalade, aller dans la boue, toucher si c'est pas dangereux… Mais ne le freinez pas dans ses envies d'explorer, d'expérimenter pour recevoir de nouvelles sensations. Et parce que c'est sale, la curiosité. Ici, on est constamment à dire « Ne touche pas, c'est sale, c'est dangereux, c’est piquant… » En effet, à un moment, il arrêtera.
A.-L. T. : Ce que je disais, dans l'introduction, c'est que je suis maman d'un ado, et j'ai l’impression qu’à l'adolescence, la curiosité en prend un sale coup. Vous avez vous-même des ateliers pour les adolescents : comment les stimulez-vous ?
T. de G. : En effet, les adolescents, c'est un sujet particulier. Il y a plein de choses qui se passent dans leur corps, dans leur tête, et ils se croient déjà de grands adultes. Je pense que ce qui est le plus important, du point de vue des parents, par exemple, c'est de ne pas rompre ce lien que vous avez instauré. Un des conseils que je donne toujours aux parents : si vous voulez avoir un enfant curieux, soyez curieux vous-même. S'ils voient que vous faites attention à une petite… Je ne sais pas, à une petite bête qui passe parce qu'elle est brillante, la couleur est magnifique, à force de vous voir, votre enfant fera attention à ça étant petit. Et puis l'adolescence va passer. Peut-être ça restera, cette capacité de s'émerveiller, parce qu'il vous verra toujours, vous, dans cet état d'esprit. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question !
A.-L. T. : Oui, oui ! Je crois que je vais être encore plus curieuse, justement. Dans vos ateliers pour adolescents, quel genre d'exercices leur faites-vous faire ?
T. de G. : Les exercices ne diffèrent pas tellement entre les ateliers pour les plus petits et les ateliers pour les adolescents. Je peux poser exactement, par exemple, la même question dont on a parlé un peu avant, par rapport à poser des questions par rapport à quelque chose.
A.-L. T. : Vous avez d'autres exemples d'exercices ?
T. de G. : Par exemple, on peut aussi travailler autour d'exercices que j'appelle « bien/pas bien ». Ça veut dire : trouver quelque chose qui est forcément – enfin, pas forcément –, mais qui est, admettons, négatif ; et trouver des situations dans lesquelles ce moment négatif peut être positif. Par exemple, la pluie, c'est bien ou ce n’est pas bien ? Et puis chercher les arguments pour l'un ou pour l'autre. C'est l'ouverture d'esprit, aussi. Ça fait partie de ce qu'on disait au début, que pour moi, la curiosité, la créativité, c'est aussi un gage de l'ouverture d'esprit. Parce qu'on essaie d'analyser les deux « vérités », on va dire. Parce ce qu’il n’y en a pas une, on va toujours approfondir ce qui mérite de l'être avant de trouver sa vérité. Vous voyez où je veux en venir ?
A.-L. T. : Oui : les « pour », les « contre », les avis différents, les avis divergents, les arguments de chacun… Alors vous expliquez avoir été marquée, en 2017, par une étude soulignant que 85 % des emplois qui existeront en 2030 ne sont pas encore de ce monde. Qu'est-ce que cela a changé dans votre vie ?
T. de G. : C'était, on va dire, la dernière goutte dans la réflexion que nous avions entrepris un peu avant avec mon époux, autour de l'éducation et autour de l'avenir de notre fils. Et là, vraiment, je me suis dit : « Il faut changer quelque chose. Vu ces statistiques – on peut les critiquer ou être d'accord ou pas –, il y a quand même quelque chose qui se passe. Il y a quand même quelque chose, dont nos enfants ont besoin, de plus que nous on a eu. » Et puis c'est là-dessus qu’en effet, nous avons un peu abandonné tout, en région parisienne. Et puis nous avons lancé nos projets autour de…
A.-L. T. : Oui, , à cette époque, vous étiez à Paris ?
T. de G. : Oui.
A.-L. T. : Professeur de langues, c'est ça ?
T. de G. : Non. Je suis professeur de langues de formation, mais la vie a voulu que je change un peu, je bifurque, et je travaillais dans le secteur bancaire, en région parisienne.
A.-L. T. : D’accord. Donc là, vous décidez de quitter votre job et de partir en province.
T. de G. : De revenir à mon premier amour parce que je pense que, finalement, grâce à mon fils, ç’a été possible. C'est devenu possible, et c'était ce que je voulais faire, depuis longtemps. Et puis je me suis formée parce que, en cherchant partout autour des soft skills, les compétences qu'on appelle les « soft skills », ou les « compétences douces »…
A.-L. T. : Les « soft skills », c'est ça ?
T.de G. : « Soft skills ».
A.-L. T. : « Soft », le mot « soft » en anglais.
T. de G. : « Soft skills », comme « doux ». Nous parlons beaucoup de ces compétences, surtout quand on parle du monde des recrutements, des ressources humaines… Plutôt pour le monde adulte. Mais les enfants en ont besoin au quotidien aussi, et c'est dès l'enfance que ces compétences se développent. Et puis nous, à force de réflexion, nous avons « identifié », on va dire, le top trois de ces compétences : c'est la confiance en soi ; la capacité d'apprendre rapidement et d'une manière efficace ; et justement avoir cet esprit curieux, créatif, vif, optimiste pour toujours pouvoir trouver des solutions dans toute situation. Et donc, c'est autour de ce…
A.-L. T. : Juste pour préciser, pour les auditeurs : ça s'oppose aux hard skills, qui sont celles que l'on apprend à l'école, qui est plutôt le savoir.
T. de G. : C'est exactement ça. « Les compétences comportementales », on les appelle aussi. Elles ont plusieurs… « Psychosociales », dans le monde éducatif. Et donc, je me forme à plusieurs méthodes. Donc la première, c'est la TRIZ pédagogie. C'est la méthode qui aide les enfants à développer, justement, leur créativité, leur curiosité et leur capacité de trouver des solutions dans toute situation, qui est basée sur une méthode de créativité, qui a été, il y a une soixantaine d'années, créée pour aider des inventeurs à inventer d'une manière plus efficace. Et ensuite, la deuxième méthode, qui était absolument indispensable pour moi, c'est d'apprendre aux enfants comment apprendre d'une manière plus efficace. Et c'est mon deuxième métier : je suis orthopédagogue et, le principe, c'est justement d'aider les enfants à apprendre mieux. Les enfants qui ont des difficultés d'apprentissage ou veulent juste s'améliorer et être plus efficace, utiliser des méthodes plus efficaces, apprendre à mieux réussir à l'école.
A.-L. T : Alors on va revenir sur votre vie à vous. Vous avez un enfant de dix ans ?
T. de G. : Un garçon de dix ans, oui.
A.-L. T. : Et vous avez testé sur lui toutes vos méthodes ?
T. de G. : Je dis toujours… C’est pour ça qu'à chaque fois, entre mes ateliers, j'essaie de donner des conseils aux parents. Je leur donne toujours des petits cahiers, des petits exercices à faire à la maison, parce que pour moi, c'est un état d'esprit. Je fais le maximum que je peux, mais en une heure par semaine, je ne peux pas rendre l'enfant créatif. Il faut que le travail continue au quotidien, justement. Je sensibilise beaucoup les parents à ça. Et donc en effet, nous, on essaye. Ce n'est pas toujours évident, comme on est les parents. Il y a plein de choses à gérer. Mais on essaye, en effet, au quotidien, de se poser des questions, à ouvrir nos yeux, aux choses qui se passent autour de nous, à résoudre des petits problèmes… Pas forcément… J’implémente tout ce que j'enseigne dans ma vie quotidienne.
A.-L. T. : Et comment il est, votre petit garçon de dix ans ?
T. de G. : Mon petit garçon de dix ans, il est… Il est bien ! En fait, il faut dire aussi qu'il est… Je pense… C’est un enfant qui est très, très vif. C'est un enfant qui reste très peu sans bouger, qui est tout le temps en train de toucher. Même à ses dix ans, il a toujours envie de mélanger des ingrédients dans la cuisine, il est toujours en train de chercher quelque chose. Donc je pense que ça l'aide, aussi. Sa nature, on a su la préserver. Mais pourtant, toutes les choses qu'on fait ensemble autour de mes ateliers, et autour des exercices que je travaille – et que forcément, on fait ensemble, souvent –, je trouve ces graines qui poussent un peu et ça me fait très plaisir, parce que des fois, par exemple… À moi aussi, ça m'arrive de dire « Je ne sais pas », à une des questions, par exemple. Ou je suis pressée, ou je ne sais vraiment pas, ou ce n'est pas le moment, mais lui, il me fait des réflexions du type : « Mais comment ça, maman, tu ne sais pas ?
Tu sais qu'il faut juste réfléchir ? » Oui, c'est sûr, en effet. Et je vois des signes, comme ça, qui me font penser que ça y est, les petites graines, elles sont plantées. Et puis des fois, il m'amène des fleurs du jardin en disant : « Regarde, maman, comment les pétales sont plantés tout droit, là. Regarde. Mais comment la nature a pu penser à ça ? » Donc en tout cas, à l'âge de dix ans encore, je suis contente qu'il ait cette vivacité et cette curiosité d'esprit d'aller chercher des choses – comme les fleurs, comme les feuilles, comme la couleur. Hier, on s'est arrêtés. Il y avait un petit coq qui est passé sur la route, et ses plumes étaient magnifiques, couleur bleu-vert. Et puis il m’a dit : « Attends, on va aller le toucher.
Peut-être qu'il laissera. Je vais regarder de près. » Pour le moment…
A.-L. T. : Il a gardé sa curiosité ?
T. de G. : Oui. Il regarde le monde avec les yeux ouverts.
A.-L. T. : Alors on va terminer sur une chose que vous dites, que je trouve très belle, sur votre site, que vous écrivez. Vous dites : « Le vrai curieux ne craint ni la nouveauté ni l'étrange. Il ignore frontières et barrières sociales pour aller à la rencontre des gens et des choses. » Est-ce que vous pensez que la curiosité peut changer le monde ?
T. de G. : Je pense en effet que les personnes curieuses peuvent faire quelque chose qui changera le monde, au fur et à mesure. Si on est curieux à ce qui se passe autour de nous, si on est curieux à ce que les autres pensent sans forcément les juger, sans forcément les critiquer, mais juste comprendre leur point de vue, si… Moi, je le crois. Oui. Je suis persuadée que si on aide nos enfants à maintenir cette curiosité, cette vivacité d'esprit, cet optimisme dans leur tête, ça l'aidera non seulement eux, dans leur vie, mais ça aidera le monde, in fine.
A.-L. T. : On termine par la question traditionnelle qui est : quelle est votre recette S.O.S. quand vous n'avez pas envie de cuisiner et qu'il faut préparer un repas ? D’où le nom de ce podcast Jambon Coquillettes.
T. de G. : Jambon coquillettes !
A.-L.T. : Mais là, vous n'avez pas le droit de dire « jambon coquillettes » !
T. de G. : Parce qu’en effet, c'est une réaction, c'est le raccourci que le cerveau prend ! Je suis très salade. J'ai toujours des feuilles de salade verte dans mon frigo, et je prends tout ce qui peut se mélanger et mettre dans les salades : un bout de concombre, un peu de fromage. Je suis beaucoup épices, et des huiles de toutes sortes, de noix… Et j'ai la chance, aussi – un peu « forcée », travaillée ! – que mon garçon, il mange de tout. Tous les légumes, et tout. On est faciles de ce côté, dans la famille. Donc : salade.
A.-L. T. : Donc c'est une salade créative.
T. de G. : Oui ! Forcément ! À chaque fois, créative, parce que je n'ai pas tellement de… Enfin si, j’ai des recettes, mais souvent, il n’y a pas tout, forcément. On mélange ce qu'il y a, et puis des olives, et puis voilà. Et puis ça passe très bien.
A.-L. T. : Merci beaucoup, Tatiana. Je rappelle, donc, votre site internet : Brainy-club.fr. Je mettrai dans les notes de l'épisode le lien vers votre site. Bonne continuation et puis, les auditeurs, si vous voulez vous renseigner… Est-ce que vous faites des formations pour les parents ? Parce que, de ce que je comprends… On va terminer là mais, comme vous dites, une heure par semaine d'atelier, ce n’est pas suffisant, et c'est surtout nous, parents, la façon dont on se comporte avec nos enfants qui va stimuler cette curiosité. Est-ce que vous faites des formations pour les parents, justement ?
T. de G. : Autour de ce sujet-là, non. Mais plusieurs fois, les parents m'ont demandé au moins de faire… Parce que je donne des conseils au fur et à mesure, mais en effet, de faire –quelque chose de récapitulatif, avec plein de conseils regroupés au même endroit. Non. Je le ferai peut-être. Mais je fais une mini formation pour les parents autour de l'attention. Parce que beaucoup, beaucoup de parents se plaignent, justement, de l'attention, du manque d’attention chez leurs enfants. C'est un sujet qui revient vraiment au quotidien.
A.-L. T. : Donc là, vous avez une formation pour les parents, à ce sujet-là ?
T. de G. : C’est ça. Une mini formation qui leur donne quelques billes pour gérer ça. Surtout lors des devoirs, forcément.
A.-L. T. : Super ! Merci beaucoup, Tatiana, et peut-être à une prochaine fois. Bonne fin de journée.