« Parce que de l’arbre sont nés les livres. Parce que les livres transmettent la connaissance. Parce que la connaissance doit être accessible à tous… », L’Arbradys, toute jeune maison d’édition, a imaginé un magazine bimensuel à destination des enfants dyslexiques et dyspraxiques. Interview de ses cocréatrices : Sophie Noël et Stéphanie Paris. www.larbradys.com
Qu’entend-on exactement par « troubles DYS » ?
Stéphanie Paris : Ce sont des troubles cognitifs, c’est-à-dire liés à l’acquisition et à l’utilisation des connaissances, mais qui n’affectent en rien le développement intellectuel de l’enfant. Certains – comme la dyslexie (trouble du langage écrit), la dyspraxie (trouble de la motricité fine) ou la dysphasie (trouble du langage oral) – ont des répercussions importantes sur la lecture. En France, on estime à plus de 15 % le nombre d’enfants par classe d’âge touchés par les troubles DYS. Un chiffre malheureusement de plus en plus élevé…
Pourquoi ces enfants ont-ils du mal à lire ?
S. P. : Bien qu’ils n’aient aucun déficit intellectuel, l’accès à la lecture est compliqué par leur trouble. Les enfants dyslexiques ont des difficultés pour reconnaître les lettres ; pour les enfants dyspraxiques, c’est la motricité fine qui est touchée (leurs yeux ne se positionnent pas correctement sur les lignes) ; quant aux enfants dysphasiques, ils ont des difficultés à comprendre les mots (ils comprendront le mot générique « fleur » mais pas forcément le mot « iris »).
Quelle est la spécificité de votre magazine ?
S. P. : Tous les 15 jours, les 4 pages du journal abordent un nouveau thème rédigé par une journaliste qui a la particularité d’être maman d’une jeune dysphasique, et donc bien au fait des problèmes et du type de syntaxe et de rédaction nécessaire. La charte graphique a été pilotée par des thérapeutes experts – la maquette est ainsi épurée afin de limiter les « bruits » visuels. Pour les sujets, nous évoquons l’actualité sous un abord ludique et pédagogique : récemment, les youtubeurs, le slam, Les Restos du Cœur, l’astronaute Thomas Pesquet… Et surtout nous en proposons deux versions : l’une spécifique à la dyslexie (convenant également aux dysphasiques) et l’autre à la dyspraxie, avec 2 sous-versions selon les difficultés de lecture des enfants.
Comment adaptez-vous les textes pour les enfants dyslexiques (et dysphasiques) ?
S. P. : La version dyslexique propose une imprégnation syllabique (c’est-à-dire une couleur par syllabe), ce qui facilite le découpage du mot, et la police OpenDyslexic qui évite la confusion entre les lettres miroir (les d, les p, les b, etc.) grâce à un empattement vers le bas qui permet de poser le regard sur la ligne de lecture.
Et pour les enfants dyspraxiques ?
S. P. : Les enfants dyspraxiques ont besoin que l’on guide leurs yeux, ce que nous faisons avec des pastilles de couleur, des caractères et un interlignage plus conséquents, ainsi qu’un espace entre les mots plus grand. Et le tout toujours en noir sur fond blanc, avec un fort contraste.
Sous quelles formes le magazine est-il disponible ?
Sophie Noël : En version papier, avec des flashcodes imprimés à côté de chaque paragraphe, ce qui permet, avec le smartphone ou la tablette, d’entendre la lecture des textes. Et en version digitale enrichie, avec des vidéos, des quiz-définitions ou des diaporamas. La version numérique (accessible depuis un PC, un Mac ou un iPad) est, de fait, un peu plus ludique, tandis que la version papier est plus « posée », plus pédagogique.
Vous avez presque 2 ans d’existence et déjà pas mal de prix… quel est le bilan ?
S. N. : En termes de lectorat, Dys-moi l’Actu ! (avec déjà 77 numéros) a rencontré son public, que ce soit auprès des familles, des enseignants, des documentalistes ou des thérapeutes et il commence à être présent dans certaines bibliothèques. En plus de nombreuses ventes réalisées lors de salons, L’Arbradys compte quelque 200 abonnés, sachant qu’au sein des classes et dans les cabinets de thérapeutes il est utilisé par plusieurs enfants. Quant au monde de l’entrepreneuriat, L’Arbradys a eu l’honneur de recevoir plusieurs prix : le Trophée Créatrices d’Avenir en 2016, dans la catégorie « Entreprise Responsable », le Prix Coup de Cœur au salon du Handicap et le Prix Éditeur au Trophée Culture et Management en 2017.
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