On sait aujourd’hui que les enfants, de par leur immaturité cérébrale, ressentent les émotions puissance 10. Mais cela ne nous dit pas comment réagir en tant que parents : que faire devant une grosse colère, une crise de larmes, une grande tristesse ? Virginie Limousin, thérapeute pour enfants et coach parental formée par Isabelle Filliozat - avec qui elle a coécrit Mes émotions, publié chez Nathan - nous livre quelques outils…
Qu’est-ce qu’une émotion, exactement ?
Une émotion est une réaction physiologique d’adaptation de l’organisme. Elle est naturelle et surtout automatique : on ne peut pas la contrôler. Un gros chien arrive tout droit sur un petit enfant. Avant même d’avoir conscience de sa peur, l’enfant va courir se protéger derrière son parent. L’émotion de la peur a permis à l’enfant de s’adapter à la situation en fuyant pour chercher protection auprès d’un plus grand mammifère (papa ou maman) ! On distingue 3 phases : un déclencheur (l’arrivée du chien), une phase de charge où l’on est dans l’action (la fuite) et enfin une phase de décharge (cris, tremblements, pleurs…) qui permet de retrouver un équilibre (le calme).
Pourquoi est-ce si important d’aider les enfants à mettre des mots sur leurs émotions ?
Lorsqu’il y a émotion, beaucoup d’hormones se libèrent dans le corps entraînant des réactions physiques. Pour la colère – qui est l’une des émotions les plus difficiles à comprendre et à accompagner pour les parents –, cela se traduira par des poings serrés, la mâchoire crispée, des hurlements et, pour beaucoup d’enfants, par le réflexe de taper… Or, avant l’âge de 4-5 ans, un tout-petit n’a pas la capacité cérébrale de gérer ses tempêtes émotionnelles : la partie de son cerveau destinée à réguler les émotions n’est que très peu développée. Le fait de mettre des mots sur les émotions permet à l’enfant de comprendre, de « normaliser » ce qu’il ressent. Pour les aider, il faut leur apprendre à maîtriser leur colère en leur montrant comment l’exprimer de manière canalisée comme de taper dans un ballon, de déchirer des papiers, de dessiner la colère... Il faut en outre leur expliquer ce qu’il s’est passé, en insistant sur les rapports de cause à effet, et en nommant les choses. Mais attention : il faut attendre que le calme soit revenu, car demander à un enfant de mettre des mots au moment où il est encore en colère est au mieux inefficace, au pire délétère, car cela rajoutera à sa frustration !
Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas toujours ?
Ce qui est important, c’est d’accueillir l’émotion originelle. En effet, si l’enfant n’a pas eu la possibilité de décharger sur le coup, son corps va rester en tension. La phase de décharge peut alors avoir lieu bien plus tard, dans une autre situation, et souvent de manière disproportionnée par rapport à la situation. Cela peut aussi se transformer en cauchemars, en maladies psychosomatiques, etc. Ces « fausses émotions » sont ce que l’on appelle des « réactions émotionnelles parasites ». Un exemple : en fin de journée, l’enfant est parfois ronchon : manque de mouvements, situations de contrainte, contrariétés avec d’autres élèves ou d’autres adultes, difficultés à comprendre ou à apprendre… autant de situations de stress que l’enfant accumule et libère face à sa figure d’attachement première, la personne en qui il a le plus confiance : nous ! Le déclencheur ? N’importe quel prétexte : pas le bon goûter, une dispute avec son frère ou sa sœur, les devoirs… la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Nous prenons alors souvent ça pour un caprice, alors que ce n’est que de l’accumulation de stress. Là encore, poser des mots emphatiques sur ce que vit l’enfant et lui proposer de libérer ses tensions par des petits jeux de bagarre, des batailles de coussins, en dansant… seront les meilleurs des remèdes !
Comment savoir si c’est une « réaction émotionnelle parasite » ?
Nous pouvons assez facilement repérer les réactions émotionnelles parasites de nos enfants (et les nôtres !) : elles sont récurrentes et systématiques ; elles peuvent durer longtemps alors qu’une émotion saine passe rapidement ; elles sont décalées par rapport au contexte, ou disproportionnées – souvent notamment lorsqu’une situation ressemble de près ou de loin à une situation du passé non résolue : un enfant pleure énormément à chaque séparation d’avec son parent, car il a vécu une séparation difficile à la naissance.
Dans ces circonstances également, poser des mots, expliquer et proposer des alternatives est le plus efficace. Parfois aussi, l’aide d’un coach parental, ou la participation à un atelier de parents, peut être efficace très rapidement – voire en une seule séance, dans certains cas ! Dans tous les cas, la gestion des émotions de l’enfant demande d’être disponible et à l’écoute. Il s’agit pour nous, parents, d’être pleinement là, au côté de ces petits êtres en devenir.
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