Les liens fraternels sont-ils innés ? L’amour au sein de la fratrie, naturel ? La bonne entente, une évidence ? Que nenni. Vivre avec d’autres, partager, se respecter s’apprend. Pour quelques-uns qui s’adorent et passent leur journée à jouer ensemble, dans la majorité des fratries l’ambivalence règne : on s’aime et l’on se déteste, on se jalouse et on se console, on est les meilleurs amis et les pires ennemis... C’est donc à nous, parents, de les accompagner en leur montrant le chemin. Un rôle essentiel !
Voici une liste hétéroclite où piocher de bonnes pratiques à adopter avec ses enfants pour favoriser le vivre-ensemble. Des règles qu’il faudra répéter, expliquer, rappeler, seriner encore et encore et de manière constante pour une cohabitation pacifique : les enfants ont besoin de temps (voire des années...) pour apprendre ce qui nous semble, à nous adultes, simple et évident. Et c’est en acceptant cette contrainte de la répétition, commune à tous les parents, que l’on trouvera la patience nécessaire.
Leur montrer les avantages à bien s’entendre
Comme par exemple avoir un compagnon de jeu, pouvoir compter l’un sur l’autre en cas de problème... L’enseignement ultime : leur faire comprendre que « toute action en direction d’autrui fait d’abord du bien à soi-même ». Cela « réveille des émotions positives et augmente l’estime de soi », comme le souligne Dana Castro, psychologue clinicienne, psychothérapeute et auteure de Frères et sœurs – Les aider à s’épanouir.
Les habituer à accomplir des tâches ensemble
Que ce soit pour mettre le couvert, vider la machine, aller faire une course... Si, au départ, la coopération peut sembler ardue, c’est grâce à la pratique répétée de situations d’entraide qu’ils apprendront.
Instaurer la règle du stop
Afin de leur apprendre à respecter l’autre. Quand, lors d’une bataille par exemple, l’un prononce le mot « stop », l’autre doit immédiatement cesser de se battre. Cela permet d’éviter que les jeux dégénèrent et se terminent par un incident douloureux.
Leur apprendre à demander la permission de toucher aux affaires des autres
Car il n’est rien de plus naturel que la convoitise et, à l’opposé, l’instinct de propriété. Et leur apprendre à demander a un double bénéfice : celui de leur enseigner à respecter ce qui appartient à autrui et... d’augmenter ses chances d’obtenir l’assentiment du propriétaire !
Interdire de rapporter
Même si cela est légitime car, pour qu’une relation puisse se construire, la confiance et la solidarité sont essentielles. Si le benjamin rapporte sans cesse les bêtises des plus grands (et vice versa), ce dernier sera catalogué comme traître et la relation sera difficile à construire.
Interdire toute forme de violence
Qu’elle soit verbale (mots blessants, humiliation, injures) – car, comme le rappelle Michèle Lambin, thérapeute, conférencière et formatrice, dans son livre Frères et sœurs pour la vie – Complicités et rivalités, s’il est vrai « que tout peut être dit, il est faux de croire que cela peut se faire n’importe quand et de n’importe quelle façon. Il y a des motsqui blessent et qui laissent des traces profondes » – ou physique (frapper, tirer les cheveux, mordre...). Le refus doit être catégorique, sans appel et systématique pour que l’enfant finisse par intégrer en lui l’interdit.
Expliquer aux plus grands leur rôle
Sans qu’il s’agisse d’exiger des aînés qu’ils assument le rôle des parents comme cela se faisait autrefois. Mais il n’est pas non plus excessif de leur demander de consacrer chaque jour un peu de leur temps pour jouer avec les plus petits et de les aider dans leur quotidien (manger, s’habiller, attraper un jouet…). Prendre soin des autres est une valeur qui s’inculque. Attention cependant à ne pas tout confondre : l’aîné n’a pas à exercer l’autorité à votre place. Ses frères et sœurs auraient tôt fait de remettre en cause sa légitimité et d’entrer en conflit.
Partager des moments d’intimité
En essayant de trouver le temps de passer des moments seul.e avec chacun de vos enfants. Ici, la régularité est plus importante que la quantité. Un soir ou un déjeuner par mois vaut mieux qu’une journée tous les 6 mois.
Éviter les comparaisons
Même si la tentation est forte, que l’on soit excédé.e par le comportement d’un enfant, que l’un soit plus « docile » et l’autre plus « rebelle », que l’un soit plus « doué » et l’autre moins « remarquable »... C’est à la fois extrêmement destructeur pour l’estime de soi et, à terme, délétère, car le risque est de figer l’enfant dans un archétype dont il aura le plus grand mal à se défaire. N’oubliez pas que vos enfants vont sans cesse évoluer jusqu’à l’âge adulte : ce que l’on constate un jour peut être différent demain ou dans un 1 an. En les enfermant dans une typologie de caractère, on les empêche de s’imaginer autrement et, donc, d’évoluer.
Valoriser chacun de ses enfants
Pour ses qualités et, même si c’est souvent plus facile avec les enfants « modèles », il est d’autant plus important de mettre en exergue les qualités d’un enfant « difficile ». Cela nourrit leur confiance en eux et, comme l’explique Nina Bataille, auteur de Frère et soeur – De la rivalité à la complicitéet spécialiste en coaching parental et professionnel : « un enfant confiant sera moins jaloux ». Évitez toutefois de le faire devant ses frères et sœurs afin de ne pas créer de sentiment de jalousie.
Valoriser leurs efforts
Pour bien s’entendre, car, comme l’explique justement Michèle Lambin : « si nous oublions de souligner les succès quotidiens de nos enfants [...] nous risquons de nous retrouver, à notre insu, à critiquer plus souvent qu’à apprécier ».
Parents, ne comparez pas vos enfants
S’il y a bien une tentation commune à tous les parents, c’est celle de comparer ses enfants à d’autres, notamment à ceux qui semblent s’entendre à merveille. Source de culpabilité et de sentiment d’échec, cette attitude est pourtant vaine. Car, comme le souligne Dana Castro : d’une part, « chaque fratrie est unique par sa taille, la succession des naissances, le rang occupé par chacun des enfants, l’écart d’âge entre eux et par la répartition des sexes », ce qui fait que rien n’est jamais totalement comparable, et, d’autre part, « l’amitié fraternelle ne s’apprend pas, elle obéit aux lois ineffables de l’attirance ». Si nous pouvons atténuer les conflits, apprendre le respect, la vie « en société », nous ne pouvons pas obliger nos enfants à être les meilleurs amis du monde. Nombre de fratries sont loin d’être idéales, et cela ne fait pas de nous de mauvais parents pour autant.
La stratégie des 6 R
Comment réagir quand l’un des enfants enfreint les règles énoncées (ce qui arrivera plus d’une fois !) ? Michèle Lambin nous donne dans son livre la recette, facile à retenir, de la stratégie des 6 R, que voici :
1. Le Rappel : faire un signe à l’enfant (mot ou geste) pour l’aider à se reprendre.
2. Le Retrait : prendre l’enfant à l’écart.
3. Se Radoucir : l’aider à se calmer, sans tenter de le raisonner. L’étape qui risque d’être la plus longue, mais essentielle pour aborder la suivante.
4. La Réflexion : faire réfléchir l’enfant sur ce qui vient de se passer en l’aidant à verbaliser et lui rappeler les règles.
5. Le Retour : en s’assurant que l’enfant sache quoi faire si la situation devait se reproduire.
6. La Réparation : s’excuser, faire un câlin, prêter un jouet, consoler... Une étape à ne pas oublier !
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