Depuis plusieurs années déjà, la BD dite du réel explose le cadre de la fiction, élargissant son champ d’action à des sujets d’actualité, s’intéressant aux disciplines académiques (histoire, sciences…), adaptant la littérature classique… Des occasions rêvées pour transmettre, à ceux de nos enfants qui ne jurent que par la BD, un savoir indéniable et une culture certaine. Voici une tentative de bibliothèque idéale avec les précisions d’Hélène Raux, enseignante et doctorante, et Jean-Philippe Martin, conseiller scientifique à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image.
Que recouvre exactement la BD dite « du réel » ?
Hélène Raux : Elle recouvre tout ce qui n’est pas de la fiction : l’actu, les documentaires dans des domaines aussi variés que la science ou l’Histoire, les reportages, les témoignages… Ce secteur est en plein développement et les sujets sont très variés, de l’art minimaliste au travail des caissières en passant par l’histoire des prothèses ! Si le public est essentiellement adulte, l’offre pour la jeunesse est en train d’émerger. Le Lombard vient de lancer la collection « Hubert Reeves nous explique » ; les éditions Dupuis, « Le Fil de l’Histoire », après avoir imaginé la revue d’actualité Groom ; La Revue dessinée, « Topo » (déclinaison pour les ados de leur version adulte sur l’actualité)… De plus certains ouvrages, non destinés à l’origine aux enfants, peuvent très bien être lus à partir du collège, voire un peu plus tôt !
Depuis quand la BD s’en « prend-elle » à la littérature jeunesse ?
Jean-Philippe Martin : Les liens entre roman et BD sont anciens. En 1906 par exemple, le fameux illustrateur Benjamin Rabier met en images les Fables de La Fontaine. Quelques années plus tard, ce sont de nombreux classiques de la littérature qui sortiront sous forme de BD : en 1940, la collection américaine Classics Illustrated – qui aura sa version française dans les années 60 – a ainsi adapté en BD Le Dernier des Mohicans, Roméo et Juliette ou encore Le Comte de Monte-Cristo. Mais c’est au tournant des années 2000, que les adaptations deviendront une tendance de fond avec la multiplication des collections chez la plupart des éditeurs. Là encore, le classique (soit « les œuvres étudiées en classe ») est à l’honneur : les frères Grimm, Andersen, Stevenson, Defoe, Flaubert…
Les textes sont-ils ceux de l’auteur originel ou sont-ils raccourcis (voire réécrits) ?
J.-P. M : Dans bien des cas, il s’agit d’une « adaptation résumée », dans laquelle l’image se substitue au texte d’origine. Ce dernier est donc réduit, notamment pour toutes les parties descriptives qui n’ont pas lieu d’être conservées. Quelques dialogues d’origine sont conservés, notamment quand ceux-ci sont connus (la tirade du nez de Cyrano, par exemple). Souvent, les auteurs procèdent à une réécriture du texte initial et leurs histoires s’articulent autour de scènes emblématiques du texte d’origine. Le passage de l’un à l’autre entraîne bien sûr des pertes mais aussi des gains –notamment tout ce qui relève des plaisirs liés à la spécificité de la BD !
Est-ce une bonne alternative pour initier à la littérature les enfants qui ne lisent pas de romans ?
J.-P. M : Lire est toujours une invitation à la lecture. Et ce qui est sûr, c’est que la BD entretient le plaisir de lire. Peut-être certains enfants auront-ils envie de lire Moby Dick dans sa version d’origine après avoir lu l’adaptation en BD ou vu la version cinématographique ? Qui sait ?
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