Pourquoi certains parents choisissent-ils d’inscrire leurs enfants dans ces écoles dites « différentes » ?
L. Gutierrez : Souvent ce sont des parents issus de milieux professionnels aisés car toutes ces écoles sont privées, ce qui implique un coût élevé de scolarité. Ce sont encore des parents déçus par le système traditionnel, parfois à cause d’un échec personnel. Il y aussi ceux qui décident de scolariser leurs enfants ici parce qu’ils sont en échec scolaire ou en difficulté et cela même si leurs moyens financiers sont limités. C’est un peu l’école de la dernière chance. Il y a aussi, dans ces écoles, beaucoup d’enfants issus du milieu du spectacle. Leurs parents considèrent le système traditionnel trop rigide et souhaitent qu’on soit plus attentif à leurs enfants.
Pouvez-vous détailler les différents courants qui existent ?
L. Gutierrez : Il y a l’école Montessori. Elle mise sur le respect des "phases sensibles" de l'enfant. Chacun son rythme ! C’est la pédagogie de l’éveil qui est mise en avant à travers la manipulation. L’éducation artistique est très développée. On donne beaucoup de temps aux apprentissages fondamentaux mais on applique la pédagogie différenciée. Il s’agit de s’adresser directement aux enfants, un par un. On n’est pas dans la pédagogie traditionnelle. C’est une pédagogie personnalisée où des fiches sont réalisées pour chaque élève.
L’autre courant est composé par les écoles Steiner. Ce réseau d’écoles forme lui-même ses enseignants, tout comme l’école Montessori. C’est une approche, une éducation par l’art, les enfants dessinent énormément. La musique, le chant et le rapport à la nature sont très importants. Toutes les approches carrées sont exclues.
On trouve également un troisième courant : l’ANEN (Association Nationale pour les écoles nouvelles). A la base c’était pour le développement des écoles nouvelles. Ce réseau se réclame de la pédagogie de Roger Cousinet. Le principe, c’est le travail libre par groupe : les enfants constituent eux-mêmes leur groupe et choisissent leur thème de travail parmi une liste. C’est une pédagogie sociale. Les disciplines fondamentales, les enfants les travaillent eux-mêmes grâce à une fiche méthodologique. Et les élèves établissent leurs propres règles de fonctionnement.
Il reste encore un quatrième réseau : les écoles dites expérimentales. Ce sont des écoles privées sous contrat. Il y a différentes influences et notamment celle de Célestin Freinet. L’idée est d’amener les élèves à faire quelque chose par eux-mêmes. L’adhésion au travail scolaire est ainsi mieux comprise par les enfants. Dans ces écoles, on travaille sur le sens que l’on donne à ce travail scolaire.
Quels sont les objectifs pédagogiques de ces écoles ?
L. Gutierrez : Chaque école a sa spécificité pédagogique et intervient différemment par rapport aux objectifs de l’Education nationale. Comme tout établissement privé sous contrat, ces écoles doivent se conformer aux grandes lignes du programme de l’Education nationale. Mais la question est de donner du sens aux choses qu’il y a à faire. La notion centrale est de travailler sur des projets transdisciplinaires. Par exemple, on ne fait pas du français pour faire du français. Cela paraît assez formidable. Et en allant dans les classes, c’est assez impressionnant : entre 3 et 7 ans, les élèves ont droit à la parole.
Ces écoles ne sont pas assez connues, les parents ont peur de l’inadaptation ensuite lorsqu’ils devront revenir dans le système traditionnel, en fin de cycle primaire. C’est pourtant rare qu’il y ait des problèmes ensuite car les enfants ont développé une vraie curiosité.
Et quelle est la démarche de chacune de ces écoles ?
L. Gutierrez : Elles fonctionnent toutes différemment. Dans les écoles Montessori, il y a énormément de jeux, de manipulation et de jeux éducatifs. Avec une progression qui amène vers des formes plus précises, vers des gestes plus fins.
Dans les écoles dites alternatives, l’investissement des parents dans la vie de l’école est très important. Quand l’école a des difficultés financières, les parents achètent des actions. Il y a un versant expérimental, on n’est pas dans une pédagogie de la transmission, le statut de l’erreur n’est pas le même. Une dictée n’est pas un exercice de certification. Dans les petites classes, on ne note pas, on met des couleurs.
Ces écoles alternatives ont indirectement influencé le système traditionnel qui, quant à lui, reste encore très rigide, surtout pour les enfants entre 6 et 10 ans.