Dans cet épisode, on ne baille pas... nous parlons du sommeil... Ah le sommeil ! Un sujet éminemment important pour les parents. Il révèle des inégalités flagrantes et frustrantes mais qui donnent l’occasion de comprendre que son enfant est un individu unique et qu’il faut composer avec cet être là et pas un autre. Qu’il n’y a pas de normes (ni de service après-vente). Que l’on a le droit de craquer, surtout quand on est fatigué ! Que parfois un petit conseil de famille s’impose pour une meilleure répartition des tâches. Et aussi que cette étape permet de s’interroger sur notre façon d’être parents et la relation que l’on met en place avec notre bébé.
Nous en parlons avec Aurélie Callet , Psychologue clinicienne et coach parentale, auteur des livres « Je ne veux pas » et « Je ne dors pas » aux éditions De Boeck supérieur et co-créatrice avec Clémence Prompsy du cabinet Kidz et Family.
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Kim Abramowicz : Dans cet épisode, nous parlons du sommeil. Ah, le sommeil ! Et on retrouve tout de suite Aurélie Callet : , coach parental et psychologue clinicienne, créatrice de Kidz et Family et auteure, avec Clémence Prompsy, du livre Je ne veux pas et du livre Je ne dors pas, parus aux éditions De Boeck Supérieur. Bonjour Aurélie !
Aurélie Callet : Bonjour !
K. A. : Est-ce que vous avez bien dormi ?
A. C. : Eh bien, je dors peu mais je dors bien.
K. A. : Tant mieux ! Alors on ne bâille pas et on commence tout de suite. On parle, dans cet épisode, de vos nuits. Est-ce que vos nuits sont blanches ? Sont-elles agitées ? Sont-elles riches d'échanges avec votre bébé ? Ou avez-vous la chance de dormir à poings fermés ? Aurélie, dites-nous, la vérité, il faut qu'on sache ! Est-ce que ça existe, les jeunes parents qui dorment bien ?
A. C. : Oui, il y a des jeunes parents qui dorment bien, et d'autres, qui ne sont même plus tellement des jeunes parents et qui ne dorment toujours pas très bien.
K. A. : On dit souvent aux jeunes parents : « Tu verras, tu ne dormiras plus jamais comme avant. » Alors, c'est vrai, il y a une part de vrai dans cette affirmation, Aurélie, parce qu'on découvre un autre sommeil, quand on est parent. On découvre par exemple que le moindre petit gazouillis, même à l'autre bout de la maison, peut nous réveiller. Qu'est-ce qui transforme comme ça le sommeil des parents ? Est-ce que, finalement, ça ne serait pas le poids de la responsabilité ?
A. C. : Oui, bien sûr, quand on devient parent, on se sent la responsabilité d'un autre être humain, et en fait, on se met dans une espèce d'hypervigilance où, effectivement, on ne dort plus jamais sur ses deux oreilles. Et si on y arrive, c'est qu'en fait, dans le couple, il y a un des deux parents – et ça, c'est un vrai bon conseil à donner, de dire : « Cette nuit, c'est moi qui m'en occupe. ». Comme ça, l'autre peut dormir sur ses deux oreilles en sachant que ce n'est pas sa responsabilité pour ce soir-là. Bon, parfois, il y a un des deux parents qui a une oreille un peu sélective, et qui n'entend jamais les enfants la nuit. Ça, c'est un mystère physiologique. On ne sait pas. Je ne dirai pas lequel, mais…
K. A. : Vous insinuez qu’il y a un petit peu de mauvaise foi, peut-être ?
A. C. : Non, j'ai l'impression que… Très souvent, quand même, c'est les mamans qui entendent plus. Donc ou elles, elles l'entendent beaucoup plus rapidement, et donc elles y vont plus vite, ce qui fait que le conjoint n'a pas eu le temps ni d'entendre ni de se lever. Mais c'est vrai que nous, on entend beaucoup en rendez-vous, même sur le ton de l'humour, de : « C'est étonnant, il a une oreille sélective. Il ne les entend jamais, et moi, toujours. »
K. A. : Il y a peut-être aussi une question hormonale parce que, notamment pour les mamans qui allaitent au sein, on remarque souvent quand on allaite qu'on se réveille quelques secondes avant le bébé, qui lui aussi se réveille et veut téter. C'est quelque chose d’un petit peu magique, comme une connexion.
A. C. : Oui, c'est vrai. Parfois, il y a une espèce de connexion, une espèce de télépathie entre une maman qui allaite et son bébé, où en fait, dès que l'enfant commence un petit peu à gigoter, l'instinct de Maman commence à se réveiller pour être prête à nourrir son petit.
K. A. : Alors venons-en, Aurélie, à cette grande étape qui est attendue par les parents : cette première nuit de leur enfant. On peut peut-être commencer par rappeler qu'une nuit complète pour un bébé, ce n'est pas forcément une nuit de douze heures.
A. C. : Non. Déjà, je pense que des jeunes parents qui ont un nouveau-né qui prenait un à deux, voire trois bib’ ou tétées la nuit, quand on leur dit « Si jamais vous pouvez dormir de minuit à 6 heures », c'est déjà l'embellie pour ces parents-là.
K. A. : Alors concrètement, on dit quoi, Aurélie ? Combien d'heures de sommeil par nuit ? Combien de jours d'affilée de nuits complètes pour se dire « O.K., c'est bon, Bébé fait ses nuits » ?
A. C. : On considère que si jamais c'est O.K. pendant plus de cinq, six jours, a priori, on voit le bout du tunnel. C'est vrai qu'en général, on considère que faire une nuit, c'est entre six et sept heures, ce qui d'ailleurs va plutôt bien sur le rythme des parents. En général, on se couche vers 22-23 heures. Donc si jamais le bébé fait 23 heures, qu'on peut le nourrir à ce moment-là, et après c’est 6-7 heures du matin, déjà on se sent mieux, en tant que parent.
K. A. : Elle génère pas mal de frustrations, la perspective de cette première nuit. À titre d'exemple, je vous raconte un peu ma vie. À la naissance de mon premier enfant, j'avais lu dans le livre d'un pédiatre, que je ne citerai pas, que la première nuit de mon bébé aurait forcément lieu à l'issue de ses trois premiers mois. Après quoi, il faudrait considérer qu'il avait des troubles du sommeil. Vous imaginez bien à quel point j'attendais ses 3 mois, et quelle ne fut pas ma désillusion quand, à 3 mois et un jour, j'ai constaté que mon fils ne dormait toujours pas la nuit. Un véritable choc, parce que j'avais fondé énormément d'espoirs sur cette échéance des 3 mois. C'est sans doute la première fois que j'ai réalisé que je n'avais pas donné naissance à un programme informatique, mais bel et bien à un être humain. Et je crois finalement que ç’a été ma première expérience de lâcher-prise parental. Aurélie, est-ce que c'est une expérience qui est partagée par les autres parents ?
A. C. : Oui. Globalement, de toutes les façons, à partir du moment où on devient parent, on réalise qu'en fait, on peut avoir plein d'idées reçues, envie de faire les choses de telle ou telle manière. Et puis finalement, on s'adapte. Chaque enfant est différent, chaque parent évolue en fonction des enfants qu'il a. Donc ça, c'est très important. Et surtout, ce dont vous parliez, du lâcher-prise. Si on veut maîtriser les choses, c'est très compliqué, et ça commence dès la conception. C'est un garçon, c’est une fille. C'est des jumeaux. On ne sait pas. On ne maîtrise rien. Moi, je trouve qu‘un petit peu dès la naissance, finalement, ce rapport au sommeil, il est un petit peu biaisé parce qu‘il y a énormément de parents, même quand les bébés se réveillent encore plusieurs fois par nuit, il y a des parents – par exemple, si le bébé prend des bib’ toutes les trois heures – eh bien c'est des parents, quand ça fait trois heures et demie, ils vont aller vérifier que tout va bien. Vous voyez, il y a une espèce d'inquiétude au tout début, quand le bébé dort trop longtemps – en fait, parce que tout le monde est un petit peu stressé avec la mort subite du nourrisson. Et donc il y a quand même cette angoisse-là, aussi. Quand un bébé dort plus longtemps que d'habitude, ça provoque… Évidemment, on est content, mais souvent, quand on est jeune parent, on est inquiet.
K. A. : Oui, donc en fait, on n'y échappe pas. Que Bébé dorme ou qu'il ne dorme pas, ça suscite des inquiétudes. Est-ce que ce n'est pas parce que le sommeil, c'est effectivement ce grand domaine qui nous échappe ? C'est-à-dire que sur d'autres questions – l'alimentation, par exemple –, on peut choisir quand diversifier, on peut choisir quoi donner en premier à son bébé, carottes ou patates douces. En tout cas, on a la possibilité de choisir. Dans une certaine mesure, on a aussi le choix du mode de garde. C'est pas forcément évident, mais bon. En tout cas, on a son mot à dire. Sur le sommeil, on n'y peut rien.
A. C. : Oui, voilà. Le sommeil, c'est-à-dire que c'est vraiment un domaine qui échappe aux parents. Et puis surtout, moi je trouve que les jeunes parents sont un petit peu au milieu de beaucoup d'injonctions de personnes différentes, de bons conseils, du copain qui va vous dire que vous donnez des mauvaises habitudes. Moi, j'entends trop souvent des parents à qui on dit, alors qu'ils ont un nouveau-né, « Vous donnez des mauvaises habitudes ». Ou la belle-mère, ou le beau-père. Vous allez toujours avoir beaucoup, beaucoup de conseils, qui vont bien évidemment se contredire parce que sinon, ce serait trop simple. Et donc je trouve que par rapport au sommeil, mais globalement, pour tout ce qui concerne la parentalité, faites vraiment confiance à votre instinct de parent. C'est celui-là, qui est le bon. Si vous sentez que votre bébé a besoin d'être endormi de telle ou telle manière, que ça vous fait du bien, même si on vous dit que ça ne se fait pas, il n'y a pas de mauvaises habitudes chez un nouveau-né. Donc on s'en fiche complètement. Faites ce qui vous fait plaisir. Si on part du principe que le congé maternité dure en gros deux mois et demi – alors pour le congé parental, c'est différent –, mais finalement, on n'a pas beaucoup de temps, avec son bébé, on n'en a pas dix dans sa vie, donc je trouve que si ça vous fait plaisir, que ça fait plaisir à votre bébé, de l'endormir dans vos bras, de voir les petits yeux devenir tout blancs et qu’il s'assoupisse dans vos bras et que ça, c'est votre immense plaisir, je ne vois pas pourquoi on vous demanderait de vous en priver. Ou de l'endormir au sein, ou de faire du cododo. Il n'y a aucune habitude qu'on ne puisse pas défaire.
K. A. : Alors pour autant, on connaît tous des parents qui galèrent vraiment, qui ont des enfants qui ne s'endorment pas s'ils ne sont pas poussés en poussette, ou bercés par le rythme d'une voiture, par exemple. On connaît des gens qui sont obligés de mettre leur bébé dans la voiture, d'aller faire un tour et là, plouf, ils s'endorment. À partir de quand on considère que ça devient problématique, que ça devient très gênant pour la vie de la famille et qu'il faut s'en occuper ? Avec un professionnel, je veux dire.
A. C. : C'est extrêmement variable selon les gens. Nous, on a beaucoup de consultations sommeil, et parfois, il y a des parents qui vont venir consulter avec un bébé âgé de 3 mois, de 6 mois. Et parfois, on a des parents qui viennent avec un enfant de 4 ans et qui nous disent « Il ne s'est jamais endormi tout seul, il se réveille encore trois fois la nuit », et ça fait quatre ans que les parents ne dorment pas.On n'a pas du tout, selon les êtres humains, on n'a pas du tout le même seuil de tolérance par rapport à la privation de sommeil. Donc ça, c'est vraiment très variable selon les gens. Moi, je pense qu'il faut s'en occuper quand vous commencez à être épuisé. Parce que la parentalité, ça ne veut pas dire « aller bien au-delà de ses limites » et d'être complètement épuisé. Donc quand le parent estime que c'est le bon moment, qu’il a atteint un seuil de détermination à 10 sur 10 de se dire : « O.K. Là maintenant, en fait, ça fait trop longtemps que ça dure. Je suis épuisé. Ce qui était un plaisir au début ne l'est plus aujourd'hui. » En fait, ça devient une contrainte de rester dans sa chambre pendant une heure tous les soirs. Ou ce que vous disiez, de faire les tours de poussette. Quand ça devient compliqué pour vous, que ça n'est plus source de plaisir et que, voire, ça peut devenir contre-productif parce que vous ne pouvez pas confier votre bébé – en fait, si vous ne faites pas comme ça et si ce n'est pas vous, il n'arrive pas à être gardé par quelqu'un d'autre que vous – là, ça devient problématique parce que ça vous empêche de faire des choses, ou si vous devez travailler… Voilà. Donc finalement, il faut atteindre sa limite de parent pour que ça fonctionne.
K. A. : J'imagine, Aurélie, que la première chose à regarder quand on parle d'un enfant qui ne dort pas, c'est peut-être des causes parallèles ? En tout cas, il y a peut-être des pathologies qui empêchent l'enfant de dormir. Je pense aux reflux gastriques. À ce moment-là, il ne faut peut-être pas trop attendre non plus pour en parler à son pédiatre ?
A. C. : Oui, exactement. C'est-à-dire que les plus gros freins au sommeil concernent tout ce qui va autour des douleurs. Ce n'est pas normal d'avoir un nouveau-né que vous ne pouvez pas poser sans qu'il pleure toute la journée. Ça n'est pas normal. Donc il y a des pédiatres ou des amis qui vont vous dire « Mais un bébé, ça pleure, c'est normal ». Oui, ça pleure, mais ça n'est pas censé avoir l'air d'être toujours dans un inconfort et qu’il pleure toute la journée. Et ça, c'est un vrai frein au sommeil, la douleur. Nous, même, pour nos consultations sommeil, on écarte toutes les causes médicales auprès des parents, que ça ait été checké auprès d'un médecin, parce qu'on ne peut pas aider une famille à améliorer le sommeil de leur enfant sur un enfant qui a mal. C'est impossible. Les plus gros freins, ça va être effectivement ce dont vous parliez, le RGO, le reflux, ça va être ce qu'on appelle l’IPLV, l'intolérance aux protéines de lait de vache – et il y en a de plus en plus –, et le syndrome de Kiss, où ça, vous avez toutes les infos sur leur site Syndromedekisskinder.fr, où il y a un autoquestionnaire. En fait, c'est un nerf cervical qui est coincé, dû à un accouchement trop rapide ou trop brutal. Et ça, c'est une manipulation d'ostéo à quatre mains. Et en fait, ils débloquent ce nerf cervical et le bébé dort en général après une manipulation. Donc voilà : ça, c'est quand même les trois plus grosses douleurs, freins au sommeil, qu'on rencontre et que nous, il faut absolument qu'on puisse les écarter avant de pouvoir aider les gens.
K. A. : Aurélie, la question du sommeil est très liée à la question des pleurs. Cette interrogation récurrente des parents : « Est-ce que je dois laisser pleurer ? » Encore une fois, c'est une occasion de s'écouter soi-même, de s'interroger sur ce qui est de l'ordre du « On m'a dit de faire comme ça » et du « Je ressens que, en moi-même, je dois faire autrement, je dois faire comme ça ». C'est une occasion de se poser la question de quel parent on veut être, comment on veut entrer en relation avec son enfant ?
A. C. : Oui, c'est-à-dire que par rapport aux pleurs, et et c’est pareil que par rapport à la privation de sommeil, il y a des parents qui vont vous dire « Je ne peux pas supporter d'entendre pleurer plus de deux secondes », et qui accourent, parce que pour eux, dans leur cœur de parent, c'est totalement insupportable. Et d'autres qui vont vous dire « Moi, je tente de le laisser pleurer cinq minutes », et pour eux, ça n'est pas du tout long. Donc on n'a pas du tout tous la même tolérance aux pleurs. Nous, c'est vrai que dans nos accompagnements, on ne fait pas pleurer les bébés parce qu'on peut y arriver sans les faire pleurer. Après, je pense que l'habitude que prennent un petit peu les jeunes parents, c'est d'avoir du mal à trouver le bon dosage, finalement, entre ne pas y aller trop vite, c'est-à-dire lui laisser la chance de se rendormir en autonomie, et de ne pas non plus y aller trop tard, où là, le bébé est fâché et c'est beaucoup plus long de le rendormir. Après, je trouve que pour les… Je ne sais pas si vous connaissez, Kim, mais il y a un truc qui est absolument fantastique et vraiment, ça donnerait envie de refaire des bébés quand on a dit qu'on n’en ferait plus ! C'est le Dunstan Baby Language, le DBL. Vous connaissez ou pas ?
K. A. : Non, non, dites-nous tout !
A. C. : Mais c'est magique ! Franchement, je ne peux que le conseiller à tous les jeunes parents. En fait, c'est une musicienne, qui a eu un bébé, qui a l'oreille absolue, qui est une Australienne, et en fait, qui s'est rendu compte que quand son bébé pleurait, elle a réussi à identifier les sons et elle s'est dit : « Mais en fait, quand il fait, ce son-là, il a toujours faim. » Elle a appris avec son bébé et donc elle a noté tous les sons qu'elle avait finalement compris – donc les principaux : « J'ai faim », « J'ai mal », « J'ai soif », « J'ai peur », « J'ai un rot coincé ». Elle a un site où elle vend un DVD, qui est payant, mais sur Internet, vous trouvez plein de vidéos en tapant « DBL », et qui vont vous dire « Voilà, le pleur de la faim, c'est celui-là ». Une fois que vous en avez entendu une quinzaine, je vous assure que vous comprenez ce que dit votre bébé. Il vous parle. C'est totalement magique.
K. A. : C'est vraiment intéressant parce que moi, c'est quelque chose que j'ai remarqué en expérimentant la parentalité, c'est qu'en fait, il faut quand même pas mal de temps pour apprendre à connaître cet enfant. C’est-à-dire que ça peut prendre trois mois de se dire « Là, je comprends ce qu'il me dit ». C'est assez long. Et ça, on peut culpabiliser un peu parce qu'on se dit : « Comment ça se fait que je ne comprends pas ce qu'il veut ? Je ne sais pas, et je suis censé·e être sa mère, son père, tout comprendre. » Et en fait, non, Aurélie, il faut, comme quand on découvre n'importe quel autre être humain, il faut un peu de temps pour apprendre à le connaître.
A. C. : Mais au début, on ne comprend rien. On essaye tout. Il pleure, on dit « O.K., ça doit être la couche. Ah, non, il pleure encore, c'était pas ça. Je lui donne un bib’. Ah non, c'était pas ça. Je vais le coucher. Ah ben non. » Et en fait, on essaie plein de trucs en dix minutes parce qu‘au début, pour de vrai, on ne comprend rien !
K. A. : Moi, je me souviens de ce moment. Ça devait être les trois mois de mon premier enfant, où j'ai dit : « Ah, ça y est ! Je le connais, je le comprends ! » C'était magique !
A. C. : Mais ce truc du Dunstan Baby Language, je vous assure, faites-le sur les fondamentaux – faim, « J’ai sommeil ». Évidemment, ça marche pour les premiers pleurs : si jamais vous laissez pleurer le bébé, qu'il pleure depuis quelques minutes, en fait, on n’entend plus. Mais les premiers pleurs au début, pour de vrai, tout va vous paraître totalement limpide.
K. A. : Alors il existe plein d'astuces pour essayer de se faciliter les nuits avec Bébé, mettre en place des routines, etc. On ne va pas vous les détailler ici, parce que c'est des choses que vous pourrez retrouver facilement sur Internet, notamment sur le site Bubblemag.fr, dans des livres, comme celui d'Aurélie, Je ne veux pas dormir. On a aussi, côté Bubble, un minimag sur le sommeil. Donc ça peut vous intéresser, je vous invite à aller le chercher sur notre site. En revanche, vous l'avez compris, ce podcast s'intéresse plutôt à la façon dont vous, parent, vous passez cette phase particulière des premières nuits avec votre bébé. Alors il y a encore un souci lié à ce sommeil et c'est sans doute celui de la comparaison. Parce qu'on a tous entendu ces parents qui nous disaient « Non, moi, je ne vois pas de quoi tu parles. Tu galères ? Non, moi, mon bébé faisait ses nuits dès la sortie de la maternité. » Il n’y a rien de plus énervant, mais enfin, ça existe manifestement. Et finalement, on se rend compte qu’on commence à se comparer. C'est le moment où on commence à se comparer : « Ah bon, ton bébé fait ses nuits et pas le mien ? Et à quel âge ? Et est-ce qu'il boit assez ? Est-ce qu'il boit pas assez ? Est-ce qu'il prend du poids ? » Et en fait, voilà : là commence la comparaison. Et Aurélie, je crois qu'il faut le rappeler : quand on est parent, comparaison n'est pas raison.
A. C. : Oui, parce qu'en plus, quand on ne dort pas et qu’on entend que des copains, des parents, qui vous disent : « Non mais attends, moi, je ne comprends… » Effectivement, ce que vous disiez. Et c'est vrai que ça existe, des bébés qui dorment sept heures d'affilée en sortie de maternité. Oui, ça existe. Il y a de tout. Donc après, vraiment, ne pas se comparer parce que de toute façon, ça va, au pire, vous dire que vous, vous y arrivez pas ou que votre enfant peut-être a un problème. Enfin voilà : ça ne sert à rien de se comparer. Faites comme vous pouvez. Et d'ailleurs, c'est pour ça, par rapport à « faire comme on peut », il y a beaucoup de parents qui, finalement, parce qu'ils commencent à être fatigués et épuisés, savent que peut-être ils devraient faire autrement, mais que ça, ça fonctionne. Typiquement, la poussette, faire un tour de voiture, l'endormir dans les bras… « Ça, je sais que ça marche en deux minutes, je suis épuisée ; ou si je le mets dans mon lit, il se rendort tout de suite. Donc, j'arrête de réfléchir. »
K. A. : Et là encore, on n'est pas obligé de se mettre immédiatement à culpabiliser. On peut aussi décider qu'on va se simplifier la vie.
A. C. : Oui. Moi, je trouve qu'il faut se simplifier la vie. C'est vrai que, par contre, la privation de sommeil peut vraiment mettre à mal la famille, le couple. Moi qui suis une grosse dormeuse, je pense que j'aurais eu énormément de mal à gérer des enfants qui n'avaient pas fait leurs nuits jusqu'à 8, même 9 mois. Mon aîné a fait ses nuits à 5 semaines, le deuxième à 5 mois, et j'ai eu l'impression que ça a duré, mais mille ans ! Enfin j'ai trouvé ça dur. 5 mois, j'ai trouvé ça super dur.
K. A. : Alors justement, restons un petit peu sur le couple. On peut se le dire, Aurélie, le manque de sommeil génère pas mal de tensions chez les nouveaux parents. C'est clairement un très bon moment pour s'engueuler, cette période où on ne dort pas encore. On l'a déjà dit, dans ce podcast, il faut tout un village pour élever un enfant. Est-ce qu'on peut, sans problème, laisser son bébé à un tiers – un grand-parent, un professionnel ? Est-ce qu'un bébé tout petit comme ça ne sera pas perturbé si on décide de se reposer une nuit et de le confier à quelqu'un d'autre ?
A. C. : Oui, bien sûr. Maintenant, il y a même des services d'infirmières puéricultrices qui peuvent venir dormir chez vous. Ça, ça peut être un vrai super cadeau de naissance à faire à un couple de parents qui est complètement épuisé. La difficulté, c'est que moi je trouve qu'il y a pas mal de parents qui sont finalement pas beaucoup aidés, qui n'ont pas beaucoup de famille à côté pour pouvoir un petit peu les soulager. Mais si on peut, évidemment, c'est une excellente idée. Après, ce qui est important, c'est que si jamais, par exemple, vous le confiez à quelqu'un, ou même si c'est quelqu'un qui vient dormir chez vous – comme ça, on ne change pas le bébé d'environnement – et puis vous, vous allez vous faire un week-end quelque part pour vous reposer. C'est extrêmement important de prévenir votre bébé que vous allez deux jours avec Papa, que vous revenez dans deux jours, qu’il sera gardé par telle personne.
Si c'est quelqu'un qu’il connaît, évidemment c'est mieux. En gros, finalement, avant l'âge de 8 mois, et encore plus pour un nouveau-né, c'est vraiment pas du tout gênant. Quand on est autour du huitième mois, de l'angoisse de séparation, ce n'est pas trop la période où il faut se dire qu'on part une semaine en amoureux pour se reposer.
K. A. : Quand on se dit, comme ça, qu'il faut parler à son enfant, est-ce que ça marche aussi en amont ? Est-ce que ça sert à quelque chose de prendre son tout petit bébé entre quatre yeux et de lui dire : « Là, écoute, c'est plus possible. Il faut que tu me laisses dormir. Il faut que tu dormes, toi-même, pour que je puisse me reposer. » Est-ce que vous voyez, vous, une différence quand on parle comme ça à son bébé ?
A. C. : On peut lui parler. Alors après, plutôt de lui dire : « Là, ça devient difficile pour moi. En fait, aide-moi à être une bonne maman. Je t'aime très fort, mais on se retrouve demain matin. En gros, ce petit rendez-vous la nuit, ça me ferait du bien si on pouvait s'en passer et se retrouver… Parce qu'en fait, je commençais à être… Je suis fatiguée, j'ai besoin que tu m'aides. » Évidemment, il faut parler aux bébés. Je trouve que là où c'est le plus parlant et le plus visible, c'est par exemple pour les mamans qui allaitent la nuit. Et on n'est plus sur des tétées nutritives. On est vraiment sur le sein « tétine ». Donc en fait, c'est juste que l'enfant s'endort tous les soirs au sein, et donc à chaque micro réveil, il veut se rendormir au sein, mais ça n'a plus une fonction nutritive. Eh bien je trouve que ces mamans-là, quand elles parlent à leur bébé en leur disant, en gros : « Je t'aime très fort, mais maintenant, le restaurant de maman sera fermé de 23 heures à 6 heures du matin. Si tu pleures, je viendrai toujours te voir. Mais la tétée, c'est terminé. Tu es prêt. Je suis prête. On va y arriver tous les deux, mais il n'y aura plus de tétée la nuit. » Il faut évidemment le prévenir qu'on va changer ses habitudes et que ça va bien se passer.
K. A. : Cette question du sommeil, elle pose aussi une des toutes premières questions dans la fratrie. Parce que quand le bébé arrive et qu'il a déjà des grands frères ou des grandes sœurs, on leur a expliqué, aux grands, que le bébé va prendre de la place, qu'il va avoir des besoins particuliers. Mais comment expliquer que ce bébé pleure la nuit, peut les réveiller ? Comment on gère cette relation du sommeil dans la fratrie ?
A. C. : Alors c'est pour ça que, en général, si jamais vous devez mettre le bébé dans la chambre des plus grands, ou du plus grand – parce que parfois, en fait, beaucoup de parents gardent un bébé dans leur chambre plus longtemps que ce qu'ils n'aimeraient, de peur que ça réveille le grand frère ou la grande sœur. Ce qui est extrêmement important à dire à l'aîné qui va être dans la chambre de Bébé, c'est de lui dire : « Nous viendrons toujours nous en occuper. Et ce ne sera jamais à toi de nous prévenir. » Vous voyez ? Cette notion de « toujours » et « jamais ».
K. A. : De responsabilité.
A. C. : En gros : « Ce n'est pas ta responsabilité. On viendra toujours s'en occuper. Toi, tu dors sur tes deux oreilles. Ce ne sera jamais ta responsabilité de venir nous chercher. On l'entendra toujours. » Pour que, justement, cet aîné ne se mette pas en position d'hypervigilance, de « C'est à moi de les prévenir ».
K. A. : Tout ça est très clair et je vous remercie, Aurélie, d'avoir été à nouveau avec nous pour cet épisode de L'Écho des berceaux. Quant à vous, jeunes parents, avant de filer vous reposer – si Bébé fait la sieste, il faut en profiter – on fait un petit récap’ de ce que l'on a appris aujourd'hui. Dans cet épisode, on a appris que le sommeil est un sujet éminemment important pour les parents. Il révèle des inégalités flagrantes et frustrantes, mais il donne l'occasion de comprendre que son enfant est un individu unique, et qu'il faut composer avec cet être-là et pas un autre ; qu'il n'y a pas de norme ni de service après-vente ; que l'on a le droit de craquer, surtout quand on est fatigué ; que parfois, un petit conseil de famille s'impose pour une meilleure répartition des tâches ; que l'on peut déjà exprimer ses limites à son enfant… et que ça fait du bien. Et aussi, que cette étape permet de s'interroger sur notre façon d'être parent et la relation que l'on met en place avec notre bébé. De tout cela et de bien d'autres choses, nous aurons l'occasion de reparler dans un prochain épisode de L'Écho des berceaux. À très bientôt.