Pouvez-vous nous expliquer le titre de votre livre Libérons l’assiette de nos enfants ! ?
Notre première idée est de passer le message suivant : attention, nous sommes dans une société très hygiéniste, trouvons une autre approche de l’alimentation. On sort à peine d’une époque où l’on comptait les calories et désormais, il faut scruter les apports nutritionnels de chaque aliment. La nutrition est devenue un diktat, allons vers la souplesse. Nous avons aussi envie de dire aux parents, détendez-vous, c’est toujours utile ! Arrêtons d’être hygiénistes et faisons confiance à nos sens. Prenons l’exemple d’un yaourt dont la date limite de consommation est passée. Il suffit d’ouvrir le yaourt, de le regarder, de le sentir, de le goûter pour voir s’il est propre ou non à la consommation. Et si c’est oui, on évite ainsi de gâcher. Nous avions aussi envie de dire « libérons les papilles, exposons l’enfant à une alimentation diversifiée et sortons du tout préparé ».
Comment peut-on stimuler les papilles de l’enfant justement ?
L’enfant a besoin d’être éduqué dans le sens où l’on doit l’aider à évoluer. L’apprentissage du goût doit se faire accompagné par les parents. C’est normal qu’un enfant ne veuille pas mettre des choses nouvelles dans sa bouche. Prenons l’exemple du chou de Bruxelles, du pamplemousse ou du brocoli, il faut les cuisiner, les associer avec autre chose, les assaisonner pour en rendre l’approche plus facile.
Que faire face à un enfant qui ne veut manger que des pâtes ?
Pour passer cette étape longue où l’enfant ne veut manger que des pâtes, il faut savoir varier et être riche en proposition. Il faut lui exposer de nouveaux goûts en cuisinant une fois à la vapeur, la fois suivante avec des herbes, etc. C’est une étape normale mais il y a un deuxième aspect qui relève plus de la psychologie du parent. Il faut savoir s’il s’agit d’un refus avec un vrai rejet ou d’un enfant qui s’affirme et qui a trouvé un terrain de bataille face à ses parents. Le parent a un rôle de pédagogue et peut lui dire « d’accord pour les pâtes mais tu manges aussi des légumes » en évitant le conflit. Si l’enfant ne mange pas tout, on ne compense pas en lui donnant un autre plat ou un gros dessert, on continue la suite du repas comme c’était prévu.
Comment conseillez-vous de gérer les aliments qui font peur comme les gâteaux, les sodas, le ketchup…
Avec ces aliments qui font peur aux parents, il faut expliquer ce que c’est et instaurer des règles. Si on va au fast-food on explique à l’enfant « on y va pour te faire plaisir mais ça n’est pas en mangeant cette nourriture que ton corps va bien se construire ». Pour le ketchup, sa puissance gustative est si forte qu’elle étouffe les autres. C’est comme si on écoute de la musique à fond et que l’on passe une berceuse juste après, on n’entend plus la berceuse. On oublie le ketchup en usage systématique et on propose par exemple un blanc de poulet cuit avec un peu de miel. Prenons aussi les yaourts. Si l’on propose seulement des yaourts aromatisés, l’enfant va trouver le yaourt nature acide et va avoir envie de le sucrer et masquer ainsi sa saveur. Il faut changer les paramètres et favoriser les aliments plus naturels.
Comment faire manger des légumes à un enfant ?
On oublie le ketchup systématiquement. Il suffit d’être imaginatif et d’avoir envie. Devant le chou de Bruxelles que l’on mange de manière surcuite dans les cantines, aucun enfant ne peut être emballé. On peut le cuire de manière al dente, l’accompagner avec du beurre, une petite purée de pomme de terre et des lardons. En ce moment, en automne, on peut cuisiner une viande avec du céleri rave et des morceaux de poires dans la sauce. On en donne un peu à l’enfant pour lui faire découvrir. Il faut varier, imaginer et s’amuser.
L’éducation du goût, c’est une transmission ?
Oui ! Quand on donne un petit pot, même sans additifs, on fait sans certains sens. Si un enfant voit ses parents écosser les haricots et les mettre à cuire, cela ne produit pas le même effet. Quand on fait rissoler un poulet avec un peu de miel, il a l’odeur, le bruit du poulet dans la poêle, ça va lui donner envie de manger avant même de passer à table. Les parents ont plus de ressources que ce qu’ils pensent ou que ce qu’on leur fait croire.